Avant-proposღ Avant la mort de mes parents, j’étais une jeune fille de 16 ans très respectable et respectée. Je réussissais tout ce que j’entreprenais. Que des A à l’école, capitaine des cheerleaders, présidente du conseil des élèves et tutrice.  J’aimais ce que j’étais avant leur mort parce que j’étais constamment contrôlée, j’avais juste assez de liberté pour profiter de ma vie. Après leur mort, je me retrouvai seule avec trop de liberté. Pourtant, je les haïssais  pour ce qu’ils étaient et je les haïssais pour avoir fait partir mon frère de la maison.  J’avais commencé à dégringoler à partir de là. Je n’avais pas craqué, je n’avais pleuré pour leur mort. Peut-être est-ce le pourquoi de mon changement brutal de comportement?

Rebelleღ Cette journée j’étais toute seule. J’étais seule à la maison. J’avais envie de faire la folle, alors je pensai à ce que Lucas ferait!  J’avais bien une petite idée derrière la tête.  Alors je me levai du sofa et allai verrouiller toutes les portes du manoir.  Verrouiller toutes les portes me pris plusieurs minutes, puisque je chahutais à l’intérieur et tournais en rond. Je marchais, gambadais et courais dans la maison.

-WAHOU!!!!

Je me dirigeai vers le mini bar et pris une bouteille de vodka. Je débouchai le bouchon rapidement et me mis à boire à la bouteille. Je n’étais plus moi. J’étais une toute fille que celle que mon frère avait connue 17 ans plus tôt! Je buvais à la bouteille et me foutais du monde entier. Il y avait cours et alors! J’avais déjà tout perdu, qu’est-ce que je pouvais perdre encore? Soudain, je vis le divan qui valait une fortune au loin et décidai de m’en approcher. J’enlevai mes chaussures et les déposai au sol. Je grimpai immédiatement après debout sur ce dernier.  Je me rendis compte qu’il n’y avait pas de musique. Je ne pouvais pas sauter sur un divan sans musique et sans faire de vacarme. Je descendis et allai ouvrir le système de son. Je mis le volume au maximum et retournai sur le divan. Je sautais et sautais. J’étais saoule alors… plus rien ne me faisait réagir.

Rouspéteuseღ Je n’entendis même pas la porte d’entrée ouvrir, ni les pas de mon frère se dirigeant vers moi. Quand je l’aperçus du coin de l’œil, je voyais bien qu’il était fâché, mais je continuais quand même. Il était qui pour venir me faire la morale.

« Qu'est-ce que tu fais sur mon canapé ? » mais ma colère l'emporta et ma voix haussa: « Bordel Ary ! Tu sais combien ça coûte ? NON. Et fermer toutes les portes ? Ça va aussi ? Tranquille tout va bien. Tu fais ta petite vie et tu me laisserais dehors ? Je te rappelle que t'es sous ma responsabilité et que t'es censée avoir un minimum de respect voir de compassion pour avoir une soeur pareille ! »

Non, mais je croyais rêver, me faisait-il vraiment la morale sur le fait que je saute sur un divan. C’était ridicule. Je le regardai dans les yeux et me mis à rire. Bon j’étais bourrée… les conneries pouvaient sortir n’importe quand.  Je pris ma voix la plus condescendante que je pouvais avoir et lui répondit promptement :

-Tu as des clés à ce que je sache, tu pouvais entrer. Et puis qu’est-ce que ça peut bien te faire que je saute sur le canapé, on en rachètera un autre tu fais beaucoup d’argent toi! Du respect, c’est toi qui m’as abandonné ne vient pas me dire que tu as déjà oublié!?

Je descendis du sofa et me dirigeai vers lui le sourire le plus prétentieux qu'un si petit corps pouvait contenir et attendis sa réponse. Je savais fortement qu’il allait mal prendre mes paroles, je le connaissais, mon cher frère!

Qui suis-je? ღ Je reconnais que j’y avais été fort avec Adam et je ne savais pas pourquoi je lui avais dit toutes ces choses. Je voulais rester forte. Ne pas lui monter mes faiblesses était ma résolution et si je devais être méchante pour y arriver je le ferais. Sa question si crevante me fit vaciller : «Qui es-tu?» Qui j’étais à ce moment-là, je ne savais pas. *Vous est-il déjà arrivé de ne pas savoir qui vous êtes? Ne pas savoir ce que vous devenez?* C’est ce qui m’arrivait à moi. Depuis que les Parents étaient morts, j’avais beaucoup trop de liberté que je n’avais pas avant. Je m’étais perdue dans le grand espace qu’est le monde. Égarée dans l’eau de l’océan. Terrifiée par la carte de tarot du mort qui s’offrait à moi. *La carte du mort représente un changement* Décidée à ne pas flancher, je me plaçai devant lui et le regardai droit dans les yeux avec un air arrogant : «Je suis ta sœur, je suis Aryanna S. Ravenwood. Tu as d’autres questions faciles comme ça?»

Brisée ღ Mon frère était le seul à pouvoir réparer la poupée brisée que j’étais, mais pour cela je devais le laisser entrer dans ma conscience. Je ne pouvais pas pour le moment, il était trop tôt. J’avais peur que si je m’écroulais, que si je lui montrais ma détresse, il m’abandonnerait à nouveau parce que je serais un fardeau. Un si lourd fardeau que même lui ne voudrait plus de moi. Faire en sorte que ce soit moi qui le fasse fuir était la meilleure solution et comme ça je ne lui aurais pas gâché sa jeunesse et sa vie. Il finit par briser le silence en me regardant et en me posant ses éternelles questions : «Bordel, tu vas me dire ce qui se passe?» Le problème est que je ne savais pas du tout à quel problème il faisait référence. Le problème est que je suis une poupée brisée à qui il faudrait des heures de bricolages et des litres de colles pour la fixer. En avait-il le temps? Il vint briser mes pensées : «Ton récit peut attendre, va prendre une douche, tu pues l'alcool et ça me donne la gerbe. Je t'attends dans vingt minutes à table.» Je l’écoutai sur parole et m’éloignai rapidement de lui en lui tournant le dos, car j’étais sur le point de perdre ma force et laisser mes faiblesses prendre le dessus.

Bouleversée ღ J’arrivai dans la salle de bain en claquant la porte. Je tournai le robinet de la douche vers le bas là où se trouvait le chaud. Je me déshabillai rapidement et m’engouffrai à l’intérieur. La tête entre les deux mains, je laissai l’eau couler sur mon visage. *Si je criais, m’entendrait-il?* Je poussai le plus grand gris que mon corps me le permettait. Je m’attendais à ce qu’il soit gros, mais le contraire se produisit, mon cri était étouffé par la peur. Oui la peur de tout perdre à nouveau. Je ne me sentais pas bien et je m’assis dans le fond de la douche en dessous du jet. Je ne pleurais toujours pas. *Svp Adam aide moi, tu en es le seul capable* Je me relevai péniblement après quelques minutes de relaxation. Je tournai le robinet à off et je sortis. Je pris ma serviette et l’enroulai autour de moi. Je me dirigeai vers le miroir et passai ma main en un mouvement d’essuie-glace pour pouvoir me regarder. *Quand on dit qu’en se regardant dans le miroir on ne se voit même pas, et bien moi je ne me reconnaissais pas.* Je restai plantée devant la glace pendant plus de 7 minutes sans bouger. Je savais que j’avais dépassé les 20 minutes que m’avait accordées Adam. Je me forçai à sortir de ma torpeur et décidai d’aller m’habiller de vêtements propres. Je descendis les escaliers lentement, très lentement, car je ne voulais pas lui montrer à quel point sa sœur était bouleversée.

Craquée ღ Je me dirigeai vers la table de cuisine d’un pas lent dans l’intention d’enfin cracher le morceau. J’en avais assez de jouer un jeu. Du moins j’étais si craquée que je voulais que lui seul puisse le voir. J’étais derrière lui à présent et je pris ma voix la plus claire, enfin elle était craquée par la tristesse, mais je réussis à articuler : « Adam… Je suis désolée… Aide-moi, je t’en prie, je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus qui je veux être. Après que tu sois parti, j’avais déjà commencé […] je marquai une petite pause le laissant parler s’il le voulait. Commencé à devenir quelqu’un d’autre par peur de perdre encore une personne et de suivre ton exemple. Et ensuite Papa et Maman sont morts et je n’avais plus rien. M’occuper du service funéraire et ranger leurs affaires m’ont fait réaliser que je n’étais rien sans eux… Je t’en prie pardonne-moi.» Cela faisait du bien d’enfin tout déballer. La poupée sans identité, brisée, bouleversée et craquée pouvait enfin être réparée et redevenir celle qu’elle était avant.